Normes de construction : le BTP à l'âge de raison
La Nouvelle-Calédonie s’est engagée dans la définition d’un cadre normatif pour le secteur de la construction. Ce vaste chantier lancé il y a un peu plus d’un an, mobilise aujourd’hui un comité technique d’évaluation composé de 112 professionnels répartis au sein de huit commissions. Une révolution en marche pour le secteur du BTP qui représente à lui seul 11 % du PIB de la Nouvelle-Calédonie.
En mars 2016, une délibération du Congrès a donné conjointement naissance au référentiel de la construction de la Nouvelle-Calédonie (RCNC) et à un comité technique d’évaluation (CTE). Organe consultatif du gouvernement, le CTE est un espace d’échange entre acteurs des secteurs du bâtiment, des travaux publics et du génie civil. Les professionnels volontaires y débattent depuis novembre 2016 afin de concevoir, dans le consensus, le contenu du RCNC : des normes fixant les caractéristiques techniques des matériaux et leurs procédés de mise en œuvre, mais aussi des procédures de certification pour les professionnels qui produisent ou importent en dehors du périmètre normatif, et des voies d’agrément pour les organismes de contrôle.
Derrière cette chaîne complexe à inventer, se profilent de nombreux enjeux : « Il est question de qualité, de sécurité, de formation, de soutien à l’innovation, de compétitivité, de développement des exportations, de réforme du code des assurances dans sa partie dédiée à la construction… », énumère Djamil Abdelaziz, chef du projet normes de construction à la direction des Achats, du patrimoine et des moyens.
Centrales pour le pays, ces thématiques font l’objet des travaux menés par les huit commissions du CTE (voir encadré) afin de mettre en place les processus qui découleront du RCNC. « Publier des normes est assez aisé, poursuit le chef de projet. Ce qui est plus complexe, c’est de définir comment elles seront vérifiées et par qui. »
Définir une identité technique calédonienne
Une première restitution des commissions au CTE est attendue en décembre, mais les grandes orientations sont déjà posées. Ainsi, la compétence acquise des produits existants sera reconnue et un agrément sera mis en place pour les nouveaux produits. Une étude de faisabilité sur la mise en place d’une filière d’essai est également en cours.
« Une mutualisation de laboratoires d’essai existants permettrait d’effectuer localement les tests nécessaires sur les nouveaux produits avant leur mise sur le marché », explique Djamil Abdelaziz. Cette voie de reconnaissance, accessible en termes de coût et de transport, pourrait par ailleurs être un tremplin commercial pour les innovations calédoniennes, comme le béton de terre, par exemple.
En matière d’assurance de la construction, le système normatif remplacera l’assurance chantier par une responsabilité civile de l’entreprise. Les entreprises qualifiées et certifiées seront ainsi couvertes par leur assurance en cas de sinistre, jusqu’à 10 ans.
Plus que des normes, ce projet apportera une véritable identité technique calédonienne, gage de lisibilité et de confiance pour les consommateurs calédoniens, comme pour les partenaires étrangers.
La commission « qualification des produits de construction existants » identifie une procédure pour assurer une qualification des produits de construction existants en Nouvelle-Calédonie qui relèvent ou non d’une norme.
La commission « agrément des nouveaux produits de construction » identifie une procédure qui garantira les conditions d’aptitude à l’emploi des produits qui ne relèvent pas déjà d’une norme.
La commission « constitution d’une filière de laboratoire d’essai des produits de construction» étudie la faisabilité d’une mutualisation des moyens existants.
La commission « filière bois de construction » définit les modalités de mise sur le marché des essences importées et produites localement, utilisées dans la construction. Il s’agit de développer cette filière calédonienne à fort potentiel.
La commission « vitesse de vent » mène une étude, en partenariat avec Météo France Nouvelle-Calédonie, des experts australiens et le Centre scientifique et technique du bâtiment, afin d’adapter la certification des produits au contexte calédonien.
La commission « assurance de la construction » étudie la mise en place d’une forme d’assurance décennale généralisée permettant de couvrir à la fois les clients et les prestataires.
La commission « formation/qualification» réalise un bilan des niveaux de formation et de qualification dans la construction en Nouvelle-Calédonie en vue d’un plan de formation. Il s’agit de promouvoir les bonnes pratiques en accompagnant l’amélioration des compétences, en s’appuyant par exemple, sur la validation des acquis de l’expérience (VAE).
La commission « communication » est chargée de mettre en place la stratégie de communication.
Parce que les normes calédoniennes devront aussi faciliter les échanges commerciaux avec les pays voisins, le chef de projet, Djamil Abdelaziz, s’est rendu en Nouvelle-Zélande dernièrement. Il y a rencontré ses homologues kiwis afin d’évoquer les possibilités d’aligner les standards et les qualifications du secteur de la construction des deux pays.
Cette mission s’inscrit dans la poursuite du plan conjoint de coopération signé par le président Philippe Germain et le gouvernement néo-zélandais, il y a un an.