Les laboratoires réunis pour créer une filière

réunion labos
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Organisée par la direction des Achats, du Patrimoine et des Moyens (DAPM), dans le cadre du développement du Référentiel de la Construction de la Nouvelle-Calédonie (RCNC), une réunion Filière laboratoires de contrôle et d’essais a regroupé à l’université ce 21 juillet 2021 près de 50 acteurs, publics et privés, et a permis d’échanger autour des métiers, des moyens, des pratiques, des perspectives et des opportunités de synergie des laboratoires de Nouvelle-Calédonie.

Le RCNC exige une filière de laboratoires

La réforme de la construction, soutenue par la mise en place du référentiel de la Construction de Nouvelle-Calédonie (RCNC) peut se décliner selon trois axes :

  • une assurance obligatoire pour les constructeurs et les maîtres d’ouvrage ;
  • la qualification obligatoire des constructeurs ;
  • la conformité des matériaux et procédés qui sont mis en œuvre pour répondre à des exigences spécifiées.

Sur ce troisième axe, le mode de preuve se traduit par un agrément des matériaux, qui fait apparaître de nouveaux acteurs. Ainsi, une filière d’auditeurs qui contrôleront le respect des critères d’agrément et une filière de laboratoires de contrôle et d’essais sont toutes deux en cours de création. « L’objectif de la réunion était de focaliser sur les besoins de cette filière de laboratoires pour répondre aux besoins du RCNC, en exposant à tous les acteurs calédoniens, quel que soit leur secteur d’activité, des potentialités de synergie et de mutualisation sur des questions transversales (métrologie[1], assurance qualité, échanges inter-labos, formation, etc.) qui permettraient une montée en compétence de tous les acteurs, en mutualisant les coûts et les moyens, et en offrant aux pouvoirs publics une porte d’entrée pour, si nécessaire, des mesures de soutien et d’accompagnement. » précise Djamil Abdelaziz, directeur adjoint de la DAPM.

La métrologie, une science exigeante mais indispensable

Malgré un sujet très pointu, les participants sont venus nombreux à cette réunion, signe que la qualité et la métrologie sont des domaines majeurs pour les acteurs du territoire. Laboratoires publics (biologie, médical, légal, recherche…), laboratoires privés indépendants, laboratoires d’entreprises (mines et métal, matériaux de construction, etc.), importateurs de matériels, tous ont souligné la nécessité d’une montée en compétences et les difficultés qui y sont attachées.

Aurélie Monnin, docteur ingénieur en matériaux à l’université de Nouvelle-Calédonie (UNC) remarque que « même si elle est coûteuse, la métrologie est cruciale pour la qualité des analyses et apporte une confiance et une connaissance des équipements inestimables. Les échanges entre laboratoires, qu’ils soient publics ou privés, aideront forcément à acquérir de nouvelles compétences dans ce domaine ».

La difficile accréditation

L’accréditation (COFRAC ou tout autre organisme comparable) apparaît comme un « chemin de croix » inaccessible au plus grand nombre, à la fois en termes de coûts, de compétences et de temps à y consacrer. C’est le plus grand frein identifié lors de cette matinée. Pourtant, « la qualité n’est pas une façade, elle est déjà bien ancrée dans les pratiques de nombreuses entités et il y a une volonté de bien faire et de progresser malgré notre insularité et l’étroitesse du marché calédonien » remarque Gilles Maeder, président de l’association des Laboratoires Indépendants Calédoniens (ALEIC).

Les laboratoires accrédités ont précisé que la métrologie interne était chronophage et coûteuse. Les laboratoires publics ont reconnu que leurs activités n’étaient pas rentables, mais reposaient sur une notion de service public. Les laboratoires privés peuvent ainsi difficilement se calquer sur ce modèle, sans subventionnement public. « L’’association ALEIC a très clairement identifié la métrologie comme un des principaux freins au développement de l’accréditation, la certification ou toute autre labellisation » confirme Gilles Maeder.

Des pistes de solutions

Toutefois, quelques pistes de solutions ont été évoquées pour lever ces freins. Elles sont les suivantes :

  • la mutualisation de l’activité de métrologie entre laboratoires publics et privés ;
  • l’analyse des besoins nécessaires pour imaginer une éventuelle prise en charge de l’organisation de la mutualisation par le Laboratoire de la Nouvelle-Calédonie (LNC), en tant que service public ;
  • La mutualisation des activités de formation et d’audits entre laboratoires publics et privés.

Sur ces points, le Laboratoire de la Nouvelle-Calédonie piloté par la DAVAR, accrédité « COFRAC » a souvent été au centre des discussions. La responsable la cellule matériel-métrologie du LNC, Isabelle Mermoud, précise que « l’augmentation des compétences calédoniennes en métrologie est un des maillons de l’amélioration des processus de fabrication des matériaux et d’attestation de leur conformité. Fort d’une expérience de près de 20 ans dans la métrologie, le LNC est favorable à partager et transmettre ses compétences, ses acquis et contribuer au développement de la métrologie dans les autres laboratoires d’analyse. »

Des idées de stratégies pour répondre aux besoins du RCNC

Concernant la réponse aux besoins spécifiques du RCNC et de l’agrément des matériaux de construction, un défi important à relever a été identifié. La faible quantité des matériaux à contrôler (marché local de petite taille) et les coûts élevés des investissements et du fonctionnement sont à prendre en compte. Les pistes de travail qui se présentent sont les suivantes :

  • recourir aux laboratoires étrangers (en particulier, Australie et Nouvelle-Zélande) pour les matériaux dont la faible quantité ne justifie pas d’investissements en local ;
  • inciter les filières à recourir à des certifications qualité propres (à l’exemple de la filière bois) ;
  • mutualiser les moyens pour monter en compétences, se regrouper, agir en filière organisée ;
  • augmenter la masse critique en proposant aux petits pays voisins du Pacifique (qui ne bénéficient pas de laboratoires, mais ont des besoins de certification pour l’export) de faire leurs contrôles ;
  • se rapprocher de la Polynésie française pour mutualiser les moyens.

La mutualisation des moyens a été soulignée par tous les participants comme la meilleure stratégie à adopter. « L’ensemble de la filière de laboratoire bénéficierait d’une mutualisation de l’activité de métrologie qui permettrait de développer une réelle compétence métrologique centralisée (assistance technique, expertise, etc.), de limiter les coûts et de bénéficier d’outils raccordés au système international » insiste Gilles Maeder.

Une commission technique RCNC « laboratoires »

Tous ces points seront discutés au sein de la nouvelle commission technique RCNC « laboratoires » à laquelle près de 20 participants à la réunion se sont inscrits.

Comme l’indique Aurélie Monnin de l’UNC : « La création d’une commission métrologie nous permettrait de réfléchir à la mise en place d’essais inter-laboratoires ainsi qu’à la création de formations spécifiques aux besoins de la Nouvelle-Calédonie. »

« L’association ALEIC est prête à s’impliquer fortement dans la commission technique Laboratoires pour faire avancer ce sujet crucial, pour le RCNC, mais aussi pour tous les laboratoires de Nouvelle-Calédonie, publics et privés », a conclu Gilles Maeder de l’ALEIC.

 

[1] La métrologie est la science de la mesure. Elle définit les principes et les méthodes permettant de garantir et de maintenir la confiance envers les mesures résultant des processus de mesure (de poids, dimension, vitesse, etc.)