Le béton de terre calédonien, un matériau performant à promouvoir

La construction en béton de terre (ou "pisé") apporte confort thermique et esthétisme
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L’utilisation du béton de terre (ou pisé, ancêtre du béton de ciment) est très répandue dans de nombreux pays, y compris en Europe où son usage remonte au Moyen-Âge. Il est utilisé depuis plus de 40 ans en Australie, c’est le procédé australien dont s’inspire le béton de terre local mis en œuvre par l’entreprise calédonienne Alternative Construction.

Un matériau reconnu ailleurs

Dans une forme différente, le béton de terre est utilisé depuis les années 1980 à Mayotte et 2005 en Guyane. Ce dernier procédé, regroupé au sein du projet TOMA, vient d’obtenir une reconnaissance en étant lauréat de l’appel à projet OMBREE mettant en avant les projets prometteurs permettant l’amélioration de la performance énergétique des bâtiments. Le projet TOMA repose sur l’utilisation des briques de terre crue compressée, empilables comme des parpaings dans les constructions, alors que les pisés calédonien et australien s’utilisent en mur porteur, directement banché (coffré) sur le chantier.

Un matériau performant

Les performances thermiques et phoniques liées à ces différents matériaux, tous issus de carrières locales, sont très intéressantes et permettent d’éviter la climatisation ou une isolation complémentaire. Ils évitent aussi les fortes émissions de gaz à effet de serre liées à la fabrication du clinker (composant du ciment) et au transport de matériaux importés.

Le béton de terre calédonien est issu de plusieurs carrières réparties sur tout le territoire, du nord au sud. C’est donc un matériau très intéressant au point de vue environnemental, qui a toute sa place dans les constructions calédoniennes, d’autant plus que le rendu est très esthétique.

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En attendant un mode de preuve simplifié

Après de nombreuses séries de tests et essais réussis, l’entreprise calédonienne Alternative Construction qui met en œuvre le pisé local, peut s’enorgueillir d’avoir obtenu pour chacune de ses réalisations, une « appréciation technique expérimentale » (ATEx) délivrée par un organisme indépendant et accrédité (le CSTB). La mise en place d’un référentiel d’agrément lié au nouveau référentiel de construction (RCNC) est en cours d’étude, afin d’offrir à ce matériau, pionnier et innovant, un mode de preuve plus simple permettant l’accès systématique de tout ouvrage en pisé à une couverture par l’assurance décennale (assurances dommages d’ouvrage DO et responsabilité civile décennale, obligatoires depuis juillet 2020).

« Pourtant, malgré ces excellentes performances, la très bonne tenue des constructions déjà réalisées en pisé calédonien et l’obtention de l’agrément RCNC provisoire, notre matériau peine à trouver sa place au sein des constructions » regrette Clovis Mutin, son gérant. « Les assureurs ne sont encore pas en mesure de nous proposer une assurance DO pour le procédé, car les bureaux de contrôle et le CSTB ne considèrent pas, pour l’heure, les capacités de ce matériau comme structurelles, ce qui est pourtant effectif en Australie. Ceci peut freiner les architectes à intégrer du pisé dans leurs créations et de ce fait, les clients nous connaissent peu. Aujourd’hui, pour chaque chantier, nous devons faire des demandes “d’appréciation technique d’expérimentation” (ATEx) auprès du CSTB, processus lourd, long et coûteux, en attendant que l’agrément RCNC définitif puisse nous en dispenser. » précise-t-il.

Cette reconnaissance, qui repose sur la confiance et les usages, peut prendre encore du temps. L’agrément RCNC attendu d’ici 3 ans pour le matériau (comme pour tous les autres matériaux de construction) et d’autres mises en lumière à l’instar du projet TOMA récompensé par la plateforme OMBREE peuvent contribuer à installer le béton de terre calédonien à la place qu’il mérite. « L’agrément RCNC va permettre à des entreprises pionnières et innovantes, telles qu’Alternative Construction, d’être reconnues et d’éviter de passer par la procédure des ATEx. » confirme Djamil Abdelaziz, directeur adjoint de la DAPM (direction des Achats du patrimoine et des moyens du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie) qui pilote le RCNC, « la DAPM via le RCNC a aussi pour rôle de soutenir et accompagner ces initiatives qui répondent à des exigences de qualité et de performance énergétique », ajoute-t-il.

« Il ne faut pas lâcher », conclut Clovis Mutin, dont la persévérance prend racine dans la qualité de son produit.