Eclairage sur l'assurance construction par le COSODA

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Une Loi du pays a été votée par le Congrès en 2019 qui réforme la responsabilité et l’assurance construction en Nouvelle-Calédonie. Elle prévoit une présomption de responsabilité décennale pour les constructeurs d’un ouvrage (réalisateurs de travaux, maîtres d’œuvre …) et instaure une double obligation d’assurance : pour les constructeurs ci-dessus mentionnés ET pour les maîtres d’ouvrage qui font réaliser une opération de construction. Ce mécanisme permettra de facto une meilleure protection des personnes qui souhaitent faire construire leur habitation ou un ouvrage d’une autre destination. Le Code civil et le Code des assurances ont été modifiés afin d’établir une correspondance entre les objectifs de la loi et les couvertures d’assurance à mettre en œuvre. Ces nouvelles dispositions entrent en vigueur à compter du 1er juillet 2020. Les assureurs se mettent en ordre de marche pour délivrer des garanties en adéquation avec les clauses-types et toutes ces nouvelles dispositions.

Explications 

Qu'est-ce que la responsabilité décennale ?

La Loi du pays du 5 février 2019 a institué pour protéger le maître d'ouvrage, également le consommateur, le principe d'une responsabilité présumée et renforcée des constructeurs en cas de sinistre.

La responsabilité décennale, c'est la responsabilité des constructeurs envers les maîtres d’ouvrage pour les vices les plus graves atteignant l’ouvrage de construction, c’est à dire en cas d’atteinte à sa solidité, à l’étanchéité de sa couverture ou de ses parois enterrées.  

Cette responsabilité pèse sur les constructeurs pendant les dix ans qui suivent la réception de l’ouvrage, pour les malfaçons ou désordres de cette gravité qui l’atteignent.  

Qui est concerné par la responsabilité décennale ?

La responsabilité décennale concerne l'architecte, le bureau d'études techniques, la société d'ingénierie, l'entreprise de bâtiment ou de travaux publics, le contrôleur technique mais également les promoteurs immobiliers ou les maîtres d’ouvrages délégués. Les sous-traitants sont en dehors du champ d'application de la loi mais ils restent responsables d’une obligation de résultat sur leurs engagements contractuels pris vis-à-vis de leur donneur d’ordres constructeur ou prestataire qui leur a confié une tâche de sous-traitance.

Qu'est-ce que l'assurance de responsabilité décennale ?

L'assurance décennale couvre la responsabilité décennale des constructeurs et répond à leur obligation d’assurance pour les désordres les plus graves. Elle permet de faire face à l'obligation que le concepteur ou le réalisateur de travaux a de réparer les dommages matériels affectant l'ouvrage qu'il a conçu ou réalisé, lorsque ces derniers sont apparus dans les 10 ans suivant la réception de l'ouvrage.

Elle est d’autant plus importante qu’en cas de sinistre de nature décennale, si la responsabilité du constructeur est recherchée, celui-ci sera présumé responsable. Ce sera donc à lui de démontrer qu’il ne l’est pas. Son assureur pourra l’y aider si c’est le cas.

L'assurance de responsabilité décennale est-elle obligatoire ?

Oui, elle est obligatoire à compter du 1er juillet 2020.

Dès lors qu’un professionnel du BTP participe à la construction d'un ouvrage soumis à l'obligation d'assurance décennale (le plus souvent un ouvrage de bâtiment, cf infra), il se doit d'être assuré pour sa responsabilité décennale. (Art Lp. 241-1)

Donc, quels que soient l'entreprise, son métier, sa taille ; dès qu'elle construit un ouvrage, elle est responsable de plein droit envers le maître de l’ouvrage de la qualité des travaux exécutés. C’est le cas pour tous les intervenants à l’acte de construire sans distinction.

Quels sont les lots concernés par cette obligation ?

Dans sa rédaction, le nouvel article Lp1792 précise clairement que « TOUT constructeur d’un ouvrage est responsable de plein droit … ». Ce choix du législateur est confirmé par l’article Lp1792-1 qui définit qui a la qualité de constructeur : « TOUT architecte, entrepreneur, technicien, […] lié par un contrat de louage d’ouvrage […] ».

D’un point de vue juridique, tous les lots sont donc concernés par cette obligation et ceci indépendamment de la portée même des responsabilités édictées par l’article Lp1792.

Qu’il s’agisse d’un marché de conception, de réalisation du gros œuvre ou des corps d’états secondaires, l’obligation est la même pour tous.

Découle de cela, la possibilité d’une condamnation judiciaire « in solidum » pour les intervenants à la réalisation d’un même ouvrage. Chacun ayant contribué à la réalisation d’un tout, le nouvel ouvrage de construction (ou de travaux de rénovation d’une certaine ampleur).

 

En complément, il faut préciser que la notion de responsabilité est intrinsèquement liée au marché passé.

Nous sommes sur un principe de droit exclusif (la RC Décennale par rapport à la RC Générale) et comme toujours en RC, le contractuel est déterminant pour fixer les obligations de l'entreprise (Ce qu'elle devait faire, comment et pour quel prix mais également les normes à respecter ...).

La question suivante est donc de tenter de définir la notion d'ouvrage.

Quels sont les ouvrages concernés par l'obligation d'assurance décennale ?

Il faut avant tout préciser qu’aux termes de l’article Lp1792 « est assimilée à une construction la rénovation, qui s’entend des travaux lourds d’amélioration d’un ouvrage existant ».

Les travaux de rénovation d’une certaine ampleur sont donc également concernés par cette loi.

La définition de la notion « d'ouvrage »

Il n'existe pas de définition juridique de ce qu'est un « ouvrage » soumis à obligation de responsabilité décennale. Le terme « ouvrage » recouvre en fait l'ensemble des travaux que le professionnel doit mener dans le cadre du chantier qu'il s'est vu confier. Il s’agit de la contribution de ce professionnel, par des travaux relevant de son lot/son activité, à la réalisation d’un « tout », qui constitue l’ouvrage de construction.

Concrètement, au travers des décisions de jurisprudence, il apparaît que le terme doit être associé, selon les cas, à la réalisation de travaux d'une certaine importance, de travaux de construction avec une structure, un clos-couvert, de travaux ancrés au sol ou incorporés dans un ouvrage de nature immobilière, ou encore de travaux ayant donné lieu à l'adjonction de matériaux.

Quelques exemples :

- Est ce que changer le joint d'un robinet est un ouvrage au sens qui nous préoccupe ? La réponse est non.

- Est-ce que remplacer le carrelage de sa salle de bain est un ouvrage au sens qui nous préoccupe ? La réponse est non.

- Est ce que refaire tout le revêtement d’étanchéité d'un immeuble construit il y a 25 ans est un ouvrage ? La réponse est oui

- Est ce que refaire une couverture 3 ans après la réception d'un ouvrage, suite à un cyclone qui a tout arraché est un ouvrage ? Oui et sa réception sera le point de départ de la responsabilité décennale de ce lot (nouveau marché) y compris si une assurance DO avait été souscrite préalablement.

Les ouvrages soumis à l'obligation d'assurance

De fait, tous les ouvrages de construction sont concernés par l'obligation d'assurance, à l'exception d'une liste limitative d'ouvrages non soumis à l'obligation d'assurance décennale et qui sont énumérés à l'article Lp 243-10 du Code des assurances. On résume cela, en disant que le principe est que les ouvrages sont soumis à obligation d’assurance responsabilité décennale et que l’exception est qu’ils ne soient pas soumis à cette obligation.

Pour simplifier les choses nous pouvons dire que les ouvrages soumis à l'obligation d'assurance sont communément appelés ouvrages de bâtiment ; ceux non soumis à cette obligation d'assurance étant généralement des ouvrages de travaux publics ou de génie civil.

Les ouvrages non soumis à l'obligation d'assurance

Parmi les ouvrages dont la réalisation n'est pas soumise à obligation d'assurance décennale, on distingue :

- les ouvrages toujours exclus :

il s'agit des ouvrages maritimes, lacustres, des ouvrages d'infrastructures routières, portuaires, aéroportuaires, héliportuaires, les ouvrages de traitement de résidus urbains, de déchets industriels et d'effluents

(Il n’est donc pas nécessaire de se poser une autre question, dès lors qu’ils figurent dans la liste ci-dessus, ils sont toujours exclus.)

- les ouvrages exclus, sauf s'ils sont accessoires à un ouvrage soumis à l'obligation d'assurance décennale :

il s'agit des voiries, des ouvrages piétonniers, des parcs de stationnement, des réseaux divers, des canalisations, des lignes ou câbles et leurs supports, des ouvrages de transport, de production, de stockage et de distribution d'énergie, des ouvrages de stockage et de traitement des solides en vrac, de fluides et liquides, des ouvrages de télécommunications, des ouvrages sportifs non couverts.

Concrètement, donc :

La construction par une commune d'une station de traitement des eaux usées n'est pas soumise à obligation d'assurance décennale car visée dans le 1er alinéa du I de l'article Lp 243-10 du Code des assurances ; mais le même type d'installation conçue pour fonctionner au sein d'un hôpital sera, à l'inverse, soumis à obligation d'assurance décennale car relèvera du second alinéa du I) au titre d’un ouvrage de traitement des fluides et liquides, accessoire à un ouvrage soumis, l’hôpital.

Ce raisonnement est de même pour les VRD.

Quid du sort des existants ?

Cette obligation d’assurance n’est pas applicable aux ouvrages existants avant l'ouverture du chantier, à l'exception de ceux qui, totalement incorporés dans l'ouvrage neuf, en deviennent techniquement indivisibles.

Quels sont les risques et les sanctions en cas de défaut d'assurance ?

Une amende d’un montant de 8 500 000 F CFP est prévue à l’encontre de tout contrevenant à l’obligation d’assurance de responsabilité décennale ou à l’obligation d’assurance dommages ouvrage.

Quel est le coût d'une assurance de responsabilité décennale ?

Le coût d'une assurance décennale peut être très variable.

Il est lié à de nombreux critères : l'effectif, le chiffre d'affaires de l'entreprise, la nature des travaux réalisés ou des missions exercées, la formation et l'expérience du professionnel, l’ancienneté de l’entreprise, les qualifications détenues, les sinistres éventuellement déclarés antérieurement…

Les critères les plus importants demeurent le métier (maçon, étancheur, charpentier, couvreur, maître d'œuvre…), l’ancienneté de l’entreprise et les sinistres déclarés au cours des derniers exercices. Ceux-ci conditionnent la nature des risques et le type de sinistre auxquels les professionnels peuvent être confrontés et donc le montant de leur cotisation annuelle.

Tout le monde ne paye donc pas le même tarif. Plus l’assureur est exposé à devoir intervenir en garantie, plus le tarif sera élevé.

Quel est le montant d’engagement maximal pour l’assureur ?

La couverture d’assurance la plus large est prévue par les textes pour les ouvrages d’habitation : elle doit correspondre au coût total des réparations nécessaires ; dans certains cas, ce montant pourra donc même, être supérieur au coût initial de l’ouvrage de construction. 

Il s’agit donc d’une exposition très importante pour l’assureur, pouvant potentiellement mobiliser des capitaux très conséquents.

En quoi consiste l’assurance des Dommages à l’Ouvrage (DO) ?

Afin d’assurer une protection maximale au consommateur, le législateur a instauré une obligation de couverture d’assurance qui a pour objet de garantir, en dehors de toute recherche de responsabilité, le paiement des travaux de réparation des dommages à l’ouvrage réalisé. Ce contrat d’assurance couvrira donc l’ouvrage dans sa globalité ; surtout cette assurance jouera pour les dommages de nature décennale, c’est à dire les plus graves et sans recherche de responsabilité. Les recours contre les responsables des désordres s’effectueront dans un second temps. Ainsi, le consommateur notamment n’aura pas à attendre longtemps pour voir les désordres atteignant son ouvrage réparés.

Cette assurance DO est encadrée de manière très stricte par des « clauses-types » auxquelles les assureurs doivent se conformer.

Ainsi, il est impossible aux assureurs d’être « moins disant » que les clauses-types ;  « tout contrat d’assurance souscrit par une personne assujettie à l’une des obligations d’assurance précitée est réputé comporter des garanties au moins équivalentes aux dispositions des clauses-types. »

Il en va d’ailleurs de même, en matière d’assurance responsabilité décennale, où il existe aussi des clauses-types auxquelles les assureurs doivent se conformer.

L’assurance de Dommages à l’ouvrage est-elle obligatoire ?

Oui, à compter du 1er juillet 2020.

Selon le Code des assurances : « Toute personne physique ou morale qui, agissant en qualité de propriétaire de l’ouvrage, […] fait réaliser des travaux de construction, doit souscrire avant l’ouverture du chantier, pour son compte ou pour celui des propriétaires successifs, une assurance […] ».

Il est donc souscrit par celui qui fait réaliser en premier les travaux de construction, mais dans la mesure où il est attaché à l’ouvrage, il est au bénéfice des propriétaires successifs (en cas de vente intervenant dans les 10 ans de la réception de l’ouvrage). Les notaires vérifient systématiquement au moment de la vente des biens, la présence d’un contrat DO. Celui-ci est en général annexé à l’acte de vente.

 

Le COSODA